Pierre-Éric Lutz & Vincent Vigon
Biographie - Pierre-Éric Lutz
Pierre-Éric Lutz a suivi des études médicales puis s’est formé à la recherche à Strasbourg et à Montréal, au Canada. Il est chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et travaille dans l’équipe « Douleur et psychopathologie » à l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives (INCI) de Strasbourg.
Après une maîtrise de sciences biologiques et médicales et un master en neurosciences effectués en parallèle de ses études de médecine, il a réalisé une thèse de sciences à Strasbourg, puis un post-doctorat à Montréal, qui l’ont formé à l’épigénétique appliquée à la compréhension des troubles psychiatriques. Il a été recruté comme chargé de recherche par le CNRS en 2019.
Au fil d’études portant sur la dépression et les troubles de l’usage de substances psychoactives (ou addiction), Pierre-Éric Lutz s’est progressivement intéressé aux propriétés épigénétiques particulières des cellules cérébrales, neuronales ou gliales. Depuis une dizaine d’années, il caractérise la plasticité épigénétique de ces types cellulaires sous l’effet des expériences de vie, et comment celle-ci pourrait aider à mieux comprendre la chronicité des troubles psychiatriques. Son groupe aborde cette question à la fois en étudiant des tissus cérébraux humains, ainsi qu’en développant des modèles génétiques et comportementaux chez la souris.
Lors de travaux récents portant sur la méthylation de l’ADN, un processus épigénétique majeur, il s’est intéressé aux technologies de séquençage récentes qui permettent d’analyser des fragments d’ADN de plus en plus longs. Cette avancée technologique importante devrait permettre d’approfondir la compréhension de la nature informationnelle de l’encodage épigénétique. Elle nécessite l’utilisation de méthodes d’apprentissage automatique et a motivé une collaboration interdisciplinaire avec Vincent Vigon, de l’Institut de recherche mathématique avancée (IRMA) de Strasbourg.
Fellowship 2025
Dates - 01/10/2025-30/09/2027
Biographie - Vincent Vigon
Vincent Vigon est maître de conférences à l’Institut de recherche mathématique avancée (IRMA) de l’université de Strasbourg, où il est membre de l’équipe « Probabilité ». Ses recherches portent sur des applications de l’apprentissage profond et le développement d’architectures de réseaux de neurones.
Il a étudié les mathématiques appliquées à l'université de Rouen Normandie (France) et a effectué son doctorat à l'université de Manchester (Royaume-Uni). Ses recherches ont initialement porté sur la théorie des processus de Lévy et l’étude de leurs fluctuations infinitésimales et asymptotiques, puis sur les chaînes de Markov, révélant un lien entre la factorisation de Wiener-Hopf et la décomposition LU.
Parallèlement à ses recherches, il a enseigné les mathématiques fondamentales avant de se spécialiser dans l’enseignement des mathématiques appliquées (traitement du signal, des données, calcul scientifique), intégrant progressivement l'apprentissage profond dans ses cours. Il a également contribué à la diffusion des sciences en créant et organisant le « parcours mathématique », un concours de résolution d'énigmes.
Ses recherches ont ensuite évolué vers des applications plus concrètes, en se spécialisant dans l’apprentissage profond, particulièrement en développant des architectures de réseaux de neurones adaptées à la structure et aux symétries des données, puis en suivant l'évolution des PINNs (des réseaux de neurones informés par la physique). Cette nouvelle orientation lui a permis de collaborer avec des chercheurs de diverses disciplines, explorant des applications en comportement animal (suivi de tortues marines), imagerie médicale (segmentation de vaisseaux cérébraux), astrophysique (modélisation de la couronne solaire et d'étoiles), et résolution d'équations aux dérivées partielles (états d'équilibre d'organes et amélioration de solveurs pour fluides, gaz, plasmas).
Récemment, Vincent Vigon a initié une collaboration en génétique avec Pierre-Éric Lutz, explorant la complexité de l'épigénome à travers l'analyse de données séquentielles et hétérogènes. Son objectif est de développer des architectures de réseaux de neurones adaptées à ces données, notamment issues du séquençage long-read. Il accorde une importance particulière à la valorisation des données existantes, à une programmation élégante et efficace (en particulier avec JAX), et à la mise en œuvre de stratégies d'entraînement de réseaux neuronaux à faible consommation énergétique.
Résumé du projet
COMBINER L'APPRENTISSAGE AUTOMATIQUE ET LE SEQUENÇAGE A LECTURES LONGUES POUR DEFINIR LA VITESSE DE RENOUVELLEMENT DU METHYOME NEURONAL
Les mécanismes épigénétiques sont des processus physiques et chimiques qui déterminent l’émergence d’identités cellulaires distinctes à partir d’une séquence d’ADN commune à toutes les cellules d’un organisme. Ils comprennent notamment les ARN non codants, les modifications d’histones, les changements dans la structure tridimensionnelle et la conformation de la chromatine, ainsi que la méthylation de l’ADN, qui est au centre du présent projet.
Les dynamiques qui affectent la distribution génomique de la méthylation de l’ADN ont été caractérisées à de multiples échelles temporelles. Au cours de l’évolution, les variations qui se produisent entre types cellulaires ont été impliquées dans l’individualisation des espèces et des organes, ce qui a notamment été illustré pour le cerveau dans les lignées des vertébrés et des primates. Sur l’échelle de temps plus courte de la vie des mammifères, des vagues successives d'écriture et d’effacement des profils de méthylation de l'ADN sont nécessaires lors de la formation des cellules germinales, de la fécondation et durant le développement embryonnaire.
La machinerie moléculaire responsable de ces différentes cinétiques, qui est maintenant bien caractérisée, repose sur un petit nombre d’enzymes capables de méthyler et de déméthyler l'ADN. On a longtemps considéré que les cellules somatiques telles que les neurones du cerveau mature, lorsqu’elles ont atteint un état différencié final, présentent des profils de méthylation de l'ADN immuables. Ce paradigme a cependant été remis en question au cours de la dernière décennie. Ainsi, de plus en plus d’études ont mis en évidence des changements bidirectionnels de la méthylation de l'ADN qui affectaient les neurones sous l’effet du vieillissement, d’expositions à des conditions environnementales ou lors de maladies, entre autres. Bien que ces données suggèrent que les enzymes méthylant l'ADN restent actives dans les neurones matures et pourraient contribuer à leur plasticité, la cinétique de ces processus reste à caractériser.
Ce projet a été conçu afin d’aborder cette question importante pour la compréhension du fonctionnement cérébral en conditions physiologiques ou pathologiques. Grâce à une collaboration entre un neurobiologiste, Pierre-Éric Lutz, et un mathématicien, Vincent Vigon, notre objectif est de combiner le séquençage Nanopore à lectures longues, l'apprentissage automatique et les outils génétiques chez la souris, afin de définir les propriétés spécifiques et le taux de renouvellement du méthylome neuronal.