Université de Strasbourg

Séminaire Fellows - L’ingénierie climatique dans le contexte de la Guerre froide

Le 10 décembre 2020
De 15h30 à 17h00
Salle de Table ronde, MISHA

Par Matthias Dörries, Fellow 2018

L’ingénierie climatique, c’est-à-dire la manipulation délibérée à grande échelle du climat de la Terre, est actuellement à la mode. Un article récent du New York Times a listé de nombreux projets, au financement généreux, qui explorent diverses techniques de réduction de la température de la surface de la Terre à l’échelle mondiale. Les recherches scientifiques sur l’ingénierie climatique se sont développées depuis que le spécialiste de l’atmosphère et lauréat du prix Nobel Paul Crutzen a incité en 2006 la communauté scientifique à envisager des solutions techniques aux problèmes politiques du réchauffement planétaire. Paul Crutzen a levé un tabou au sein de la communauté scientifique, qui depuis les années 1970 avait globalement évité les questions de géo-ingénierie à grande échelle.

Quels éléments ont-ils contribué à ce que cet appel de Paul Crutzen semble à nouveau pertinent ? Afin de mieux comprendre cette volte-face, je propose de revenir à la Guerre froide des années 1950 et 1960, à l’époque où les scientifiques proposaient de nombreux projets d'ingénierie à grande échelle, dont la création de ports artificiels à l’aide de bombes H, le bombardement nucléaire de la Lune ou encore la manipulation du climat des territoires ennemis. Quelles sont les raisons de cet enthousiasme spéculatif des chercheurs pendant les décennies suivant la deuxième Guerre mondiale, qui les a éloignés de ce que nous pourrions nommer les fondements rationnels de l’investigation scientifique ? Comment ces scénarios spéculatifs, élaborés par des chercheurs de premier plan, ont-ils pu être considérés comme des projets scientifiques raisonnables et légitimes ? Au cours de ma présentation, j’évoquerai l’histoire de la rationalité scientifique au cœur de la culture et de l’état d’esprit de la Guerre froide. En effet, l’immersion dans ce contexte nous apporte de nombreux éléments d’explication de l’enthousiasme actuel pour les projets d’ingénierie climatique.

 

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