Conférence publique - Le traumatisme de la conversion : une histoire de chefs de clan, d'évêques et d'identité nationale dans le Nord
La conférence est ouverte au public et sera donnée en anglais.
Le Dr. Simon Halink, chercheur à la Fryske Akademy de Leeuwarden (Pays-Bas) et invité à l'USIAS, est un historien de la culture spécialisé dans l'étude comparative des mouvements nationaux et du développement historique des identités nationales au cours du « long XIXe siècle » (d’environ 1789 à 1914), en particulier dans les petites communautés nationales telles que la Frise, l'Islande et les îles Féroé.
La conférence
Qu'ont en commun un chef païen des îles Féroé et un évêque catholique islandais du XVIe siècle ? Peut-être pas grand-chose, à première vue. Pourtant, en y regardant de plus près, ces deux personnages historiques ont joué des rôles assez similaires dans la mémoire collective de leurs peuples respectifs. Au cours de cette conférence, j'examinerai dans une perspective comparative le lien entre la mémoire culturelle des événements de conversion (tels que la christianisation et la Réforme protestante) et les discours modernes sur l'identité nationale de l'Islande et des îles Féroé.
Avec la montée des idéologies séculières (notamment le nationalisme) au cours du XIXe siècle, les valeurs politiques telles que l'autodétermination nationale et l'authenticité ont souvent supplanté les valeurs traditionnelles et les idéaux religieux des générations précédentes. Dans cette présentation, j'explorerai les manières multiples (et souvent paradoxales) dont la réécriture idéologique du passé, dans le nouveau genre de « l'histoire nationale », a radicalement transformé la valeur normative attribuée aux protagonistes et antagonistes de ces récits nationaux. En particulier, l'inversion idéologique des récits de conversion médiévaux et du début des temps modernes (respectivement la christianisation et la Réforme protestante) a conduit à transformer les méchants païens et les hérétiques en héros nationaux et combattants de la liberté, les héros traditionnels de ces histoires (les saints missionnaires et réformateurs) servant désormais de destructeurs de l'authenticité nationale, généralement au nom d'un monarque étranger avide de pouvoir. Particulièrement dans la mémoire culturelle moderne de petites communautés culturelles telles que l'Islande et les îles Féroé, la perte « traumatique » de l'indépendance au Moyen Âge, ainsi que le renforcement du contrôle étranger à la suite de la Réforme, sont intimement liés à la mémoire des transitions religieuses de ces périodes.
Afin d’illustrer cette transformation historiographique des « bons » en « méchants » et vice versa, je proposerai une analyse comparative de deux études de cas, à savoir le chef païen Tróndur í Gøtu (Þrándur í Götu en islandais moderne), qui (selon la Færeyinga saga) a résisté par la force à la christianisation des îles Féroé par la Norvège (vers l'an 1000), et l'évêque islandais Jón Arason, qui défendit le catholicisme contre la Réforme luthérienne imposée par les autorités danoises et fut par conséquent décapité en 1550. Paradoxalement, ce martyr catholique sera plus tard salué par les nationalistes islandais comme un héros de leur nation luthérienne et un défenseur de l'autonomie et de l'authenticité islandaises.