Université de Strasbourg

Édouard Mehl

Biographie - Édouard Mehl

Centre de recherches en philosophie allemande et contemporaine (CREPHAC) - UR 2326, université de Strasbourg, France

Édouard Mehl, USIAS Fellow 2022Ancien élève de l’École normale supérieure (Fontenay-Saint-Cloud, France, 1991-1995), Édouard Mehl a soutenu une thèse portant sur le contexte scientifique de l’élaboration de la science cartésienne (Paris IV, 1999, dir. J.-L. Marion), ainsi qu’une habilitation à diriger des recherches (Paris IV, 2013) consacrée aux enjeux philosophiques de la révolution copernicienne.

Professeur de philosophie moderne aux universités de Lille (2014-2019) puis de Strasbourg (2019-présent), et membre associé des Archives Husserl/Paris (Pays germaniques, UMR 8547), Édouard Mehl a orienté les recherches qu’il mène dans le cadre du CREPHAC (UR 2326, université de Strasbourg) sur les lectures phénoménologiques de Descartes dans la philosophie française contemporaine (Levinas, Derrida, Michel Henry…). Son récent livre (Descartes et la fabrique du monde : le problème cosmologique de Copernic à Descartes, Paris, PUF, 2019), a été récompensé par le Grand Prix Moron de l’Académie française en 2020.

Auteur d’une soixantaine d’articles et contributions à des publications savantes, il a été responsable, seul ou en collaboration, d’une dizaine d’ouvrages collectifs, dont trois volumes parus aux Belles Lettres : La révolution copernicienne dans l’Allemagne de la Réforme (2009) ; Kepler : la physique  céleste. Autour de l’Astronomia nova (1609) (2011) ; Le temps des astronomes : l’astronomie et le décompte du temps de Pierre d’Ailly à Newton (2017). Il vient de publier une Histoire de la fin des temps. Les mutations du discours eschatologique, Moyen Âge, Renaissance, Temps modernes, aux Presses universitaires de Strasbourg (2022) — éditeur dont il assure parallèlement la direction scientifique depuis 2020.

Projet - L'altérité de l'Autre. Genèse et réception critique des Méditations cartésiennes de Husserl (1931) dans la philosophie française contemporaine

01/09/2022 – 31/08/2024

Edmund Husserl (1859-1938) été le principal promoteur d’un « mouvement phénoménologique » qui a révolutionné la philosophie au XXe siècle. Partie dans les années 1880 d’une orientation très « rationaliste », surtout consacrée à la tâche d’une fondation des sciences (logique, mathématiques, physique), la philosophie husserlienne a elle-même connu une évolution décisive qui l’a conduite à revendiquer le titre de « phénoménologie transcendantale » en accédant au domaine de la conscience pure. Conscience ou « subjectivité » qui, n’étant rien de naturel, et même pas une « chose », ne se laisse pas décrire dans le langage des phénomènes constitués. Au sein même du mouvement phénoménologique, ce tournant opéré avec les Idées directrices pour une phénoménologie transcendantale (1913) suscite une vive discussion dans les années d’après-guerre, certains disciples considérant que Husserl retombe avec l’idéalisme transcendantal dans une forme de « métaphysique du sujet » dont Kant et ses héritiers avaient fait justice.

Le projet que conduit Édouard Mehl sous les auspices de l’USIAS a d’abord pour but de mettre en évidence le rôle qu’a joué le philosophe et théologien Jean Héring (1890-1966) pour la première réception française de la phénoménologie husserlienne. Élève de Husserl à Göttingen entre 1909 et 1913, Héring est arrivé à l’université de Strasbourg au milieu des années 1920, dans le contexte particulier et atypique d’une université qui renouvelle son corps enseignant mais qui, dans certains domaines comme celui de la théologie protestante, cherche aussi à redéfinir son objet — en l’occurrence la « philosophie religieuse ». Aussi l’université de Strasbourg a-t-elle, vis-à-vis de cette nouvelle philosophie, un horizon d’attente parfaitement défini. Héring a l’avantage d’une formation de première main en phénoménologie, mais il est aussi l’un de ceux, parmi les anciens élèves de Husserl (Adolf Reinach, Martin Heidegger, Edith Stein…), qui tentent de donner forme et sens à une « phénoménologie religieuse ». C’est le candidat idéal.

Héring a donc été, depuis Strasbourg, la cheville ouvrière de cette première réception française de Husserl, qui se prolonge avec la thèse que le jeune Emmanuel Levinas consacre au maître de Fribourg (1930). C’est aussi Levinas qui prête son concours à l’édition française des Méditations cartésiennes (1931), texte issu de conférences données au cours de l’année 1929 à Paris et à Strasbourg. L’exploration systématique du fonds Héring, déposé à la Médiathèque protestante de la Fondation du Chapitre de Saint-Guillaume (Strasbourg), devra permettre de mieux comprendre les circonstances et les conditions précises de l’établissement du texte de ces Méditations. Mais elle permettra surtout de reconstituer la discussion que le monologue des Méditations entretient avec des auditeurs difficiles à convaincre que la phénoménologie, telle que son père fondateur la définit et la pratique, peut échapper à l’ornière du « solipsisme transcendantal ». Car c’est désormais cette question qui définit — et pour longtemps — le problème, le risque et la tâche d’une philosophie première. Aussi cette question domine-t-elle toute le débat philosophique ultérieur, de Sartre à Ricœur, ou de Levinas à Derrida.

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