Benoît Gall
Biographie - Benoît Gall
Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC) - UMR 7178, université de Strasbourg et CNRS, France
Le professeur Benoît Gall est diplômé de l'université Louis-Pasteur de Strasbourg (1990), et a défendu sa thèse de doctorat à l'université de Paris 11-Orsay en 1994. Il est spectroscopiste nucléaire et étudie l'appariement nucléaire dans les structures à haut spin (noyaux super déformés) et dans les bandes de rotation des noyaux déformés. Il passe son habilitation à diriger des recherches en 2000 à l'université de Strasbourg. Avec ses développements d'instrumentation numérique, son système novateur de cible rotative et le développement faisceaux isotopiques de 50Ti, il rend possible en 2011 la première spectroscopie prompte d'un noyau superlourd, le 256Rf (Z=104). Il reçoit en 2008 à la conférence ENAM le premier prix international Zdzisław Szymański pour sa contribution expérimentale à l'étude des noyaux superdéformés, octopolaires et très lourds. En 2015, il reçoit avec ses collaborateurs le second prix du JINR pour la production de faisceaux métalliques intenses. Ses travaux permettent de fournir aux nouvelles « usines à noyaux superlourds » des faisceaux isotopiques de 50Ti et 54Cr d'une intensité sans précédent qui permettront dans les mois qui viennent de s'attaquer à la synthèse des premiers éléments de la 9e période du tableau de Mendeleïev, les éléments Z= 119 et 120.
Enseignant et chercheur pluridisciplinaire ouvert aux problématiques sociétales, il a été co-responsable du démantèlement du réacteur universitaire de Strasbourg et s'intéresse également aux réacteurs naturels d'Oklo (Gabon, Afrique). Avec ses proches collaborateurs, il donne une explication de la genèse et de l'évolution de ces cœurs naturels il y a près de 2 milliards d'années.
Avec les nouvelles usines à éléments superlourds, les intensités de faisceaux ne laissent que peu de chances de survie aux cibles isotopiques rares nécessaires à la production de noyaux superlourds. Avec ce projet USIAS, le professeur Gall porte ce problème à la physique des matériaux innovants afin de trouver le support de cible capable de supporter ces conditions extrêmes et de rendre possible la synthèse des éléments au-delà de Z=120. Cela permettra en outre de produire suffisamment de noyaux au-delà du copernicium (Z=112) pour étudier leurs propriétés chimiques, là où les effets relativistes ne permettent plus d'utiliser la classification périodique des éléments et là où les premiers effets des couches électroniques g seront observés.
Projet - Développement de matériaux innovants pour les faisceaux extrêmes et cibles rares
01/10/2021 - 31/03/2024
Notre compréhension actuelle de la physique atomique et de la cohésion nucléaire repose sur une longue tradition de confrontation entre données expérimentales et modèles théoriques. Bien que tous les modèles s’accordent sur l’existence d’un îlot de regain de stabilité pour les noyaux superlourds, comme ultime empreinte des effets quantiques nucléaires, ils ne sont pas d’accord sur son emplacement. L’approche théorique de la cohésion des atomes démontre la nécessité de tenir compte des effets relativistes dans la région SHE, ce qui limite la classification « traditionnelle » de Mendeleïev. Les premiers atomes basés sur la nouvelle couche g apparaîtront-ils à Z=121 comme prévu par le tableau périodique ? Quelles seront leurs propriétés ? L'oganesson (Z=118), élément le plus lourd synthétisé à ce jour, est-il un gaz rare comme le prévoit le tableau périodique ou un métalloïde du fait de l’influence croissante des effets relativistes ? La vérité viendra des expériences. Les physiciens et chimistes nucléaires vont tirer des contraintes fortes et efficaces sur les modèles théoriques à travers l’étude de ces noyaux extrêmes.
De nouveaux instruments dédiés à l’étude des éléments les plus lourds viennent d’être mis en service en Russie et au Japon. Ils utiliseront des intensités de faisceau sans précédent pour compenser la très faible probabilité de production d’éléments superlourds (SHE). L’IPHC a développé une expertise de premier plan international dans le domaine des faisceaux produits à partir d’ions métalliques à partir de composés organiques volatils (MIVOC). Ce résultat a été obtenu grâce à une collaboration pluridisciplinaire entre chimistes, physiciens et experts des sources d’ions, qui existe depuis près de 10 ans. Ce projet USIAS ouvre une nouvelle collaboration interdisciplinaire autour de la physique des plasmas en sources d’ions avec le développement d'un nouveau four inductif à haute température destiné à permettre aux nouvelles installations de fonctionner à leur intensité nominale avec des faisceaux de 50Ti et 54Cr isotopiques.
Avec jusqu’à 60 billions (6 1013) d'ions lourds par seconde, la puissance de spot du faisceau sera insoutenable pour les feuilles de cible basées sur des matériaux standard. La recherche de nouveaux matériaux existants ou la mise au point de matériaux innovants revêtent une importance capitale pour l’avenir des études SHE. Ce projet USIAS explorera les possibilités actuelles et étudiera en conditions réelles les défauts induits par les ions lourds et les effets de dose pour les nouveaux matériaux cibles et les supports novateurs mis au point dans le cadre du projet. La proximité de l'Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS) et la collaboration étroite avec le laboratoire national d'Oak Ridge (États-Unis), le FLNR Dubna (Russie) et RIKEN à Tokyo (Japon) constituent une chance unique de développer ces nouveaux matériaux pour la science, les applications nucléaires et même les applications spatiales. Les problématiques abordées dans le projet USIAS visent à libérer le verrou technologique le plus critique pour les nouvelles installations scientifiques dédiées à la science des éléments superlourds. Sans ces feuilles de matériaux innovants, les nouvelles usines à éléments superlourds ne pourront pas fonctionner à leur intensité nominale. Ce développement est par conséquent crucial pour la production des prochains éléments SHE !
Biographie post-doc - Kieran Kessaci
Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC) - UMR 7178, université de Strasbourg et CNRS, France
Titulaire d’un master de physique subatomique et d’un diplôme d’ingénieur généraliste de l’école Télécom Physique Strasbourg, Kieran Kessaci a défendu sa thèse de doctorat à l’université de Strasbourg en mars 2022, dans le domaine de la physique des éléments superlourds. Au cours de sa thèse, il a pris part à de nombreuses expériences de physique fondamentale portant sur l’étude de la structure fine de noyaux superlourds, et en particulier des états isomériques de haut-K omniprésents dans cette région de masse. Il a ainsi réalisé à Dubna la spectroscopie des Nobelia 255 et 256, des noyaux aux limites de nos capacités expérimentales. Ces études ont permis de découvrir cinq nouveaux isomères-K dans ces noyaux.
En parallèle, il a intégré en 2018 la collaboration américano-franco-japonaise nSHE visant à synthétiser de nouveaux éléments au sein du laboratoire RIKEN. Il est l’un des trois analystes de l’expérience de synthèse de l’élément 119. Dans ce cadre, des faisceaux métalliques d'intensités sans précédent ont été développés, mettant en exergue de nouvelles problématiques de tenue mécanique des cibles. Des études de supports de cible capables de supporter ces conditions extrêmes d’intensité et de dose ont été entreprises. L’IPHC Strasbourg apporte une contribution significative à ces études qui ont, entre-autres, donné naissance au présent projet USIAS, avec l’ambition de répondre à cet ambitieux défi.
Kieran Kessaci a participé à plusieurs tests de matériaux innovants en conditions réelles au sein de RIKEN et a commencé à rediriger ces études vers le champ de la physique des matériaux en couches minces.
Ce projet ne pourra être mené à bien que sous l’influence d’une collaboration pluridisciplinaire forte entre physique nucléaire et physique des matériaux. Il permettra à terme d’exploiter à leur plein potentiel les dernières installations dédiées à la synthèse d’atomes inconnus, au-delà de l’élément le plus lourd jamais observé à ce jour : l’Oganesson (Z=118). Nous pourrons ainsi explorer la 8e période du tableau de Mendeleïev, qui devrait mettre en lumière les propriétés que nous réservent la nouvelle couche électronique g et nous permettre de prendre la pleine mesure des effets relativistes qui se manifestent à partir du Copernicium (Z=112).
Liens
- Symposium : 50e anniversaire des réacteurs nucléaires naturels d’Oklo (28/06/2022)
- Article : À la recherche de l’élément 120 du tableau périodique des éléments (Université de Strasbourg, 12/04/2021)
- Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC)