Université de Strasbourg

Matthias Dörries

Biographie

Archives Henri-Poincaré - Philosophie et recherches sur les sciences et les technologies (AHP-PReST) - UMR 7117, CNRS, université de Strasbourg

Matthias Dörries, USIAS Fellow 2018

Le professeur Matthias Dörries est professeur d’épistémologie et histoire des sciences à l’université de Strasbourg depuis 1999. Il est Président de l’ESST (European Inter-University Association on Society, Science & Technology), Vice-président de la revue Historical Studies in the Natural Sciences, University of California Press depuis 2008 et a été Directeur de l’IRIST (Institut de recherches interdisciplinaires sur les sciences et la technologie, université de Strasbourg) de 2013 à 2017. Après avoir étudié les sciences naturelles et humaines au sein des universités de Fribourg-en-Brisgau, Hambourg, Berlin et Paris, il a obtenu son doctorat en histoire des sciences à l’université libre de Berlin en 1989, puis a été post-doctorant à l’université de Californie à Berkeley (1989-1991) et chercheur au CRHST (Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques) de Paris (1991-1993). En 1993, il a obtenu une bourse d’habilitation de cinq ans à l’université Louis-et-Maximilien de Munich ainsi qu’à l’Institut de recherche en histoire des sciences et techniques du Deutsches Museum. Suite à son habilitation en histoire des sciences en 1998, il a travaillé en tant que chercheur à l’Institut Max-Planck d'histoire des sciences (MPIWG) de Berlin, au sein du département du professeur Lorraine Daston (1999-2001). Ses recherches des dix dernières années se concentrent sur l’histoire des sciences (géo)physiques du 18e au 20siècle, en particulier l’histoire des sciences atmosphériques et du changement climatique.

Projet - Géo-ingénierie, expériences de pensée et guerre froide

Septembre 2018 – août 2022

Les années 1950 et 1960 ont vu émerger de nombreux projets, imaginatifs et à grande échelle, d’ingénierie environnementale. Nos recherches examineront la culture scientifique et politique qui a rendu ces projets viables, malgré leur nature hautement spéculative. Alors que l’armée américaine finançait un large nombre de scénarios interdisciplinaires partiellement secrets afin d’étudier l’usage stratégique potentiel de la géo-ingénierie en tant qu’arme, se développaient en parallèle de nombreuses publications scientifiques et littéraires sur la terraformation et l’ingénierie planétaire. Notre projet a non seulement pour objectif d’étudier les contextes sociaux et politiques de ces scénarios, mais également de déterminer ce qui a rendu ces spéculations ou expériences de pensée légitimes aux yeux de la communauté scientifique. Il se fonde sur des études d’archives, en particulier celles du mathématicien John von Neumann, de l’astronome Carl Sagan (Seth MacFarlane Collection of the Carl Sagan and Ann Druyan Archive at the US Library of Congress) et du géophysicien Gordon J.F. MacDonald.

Nous disposons d’une documentation riche et abondante sur la science à l’époque de la guerre froide, principalement publiée au cours des deux dernières décennies. Des publications essentielles sur la géo-ingénierie, comme l’ouvrage de James Rodger Fleming sur la modification du climat et celui de Jacob Darwin Hamblin sur la manière dont la planification stratégique militaire a engendré le concept d’« environnementalisme catastrophique » pour vaincre l’ennemi, ont apporté des témoignages très utiles sur les liens étroits entre l’armée et la science au cours de la guerre froide. Notre projet a pour objectif d’aller au-delà de ces études, et ce de trois manières. Tout d’abord, il vise à examiner les contextes sociaux et politiques spécifiques au sein desquels abondaient ces spéculations. Ensuite, il cherche à identifier la culture scientifique dominante derrière ces projets d’ingénierie en déterminant ce qui a rendu possibles ces scénarios, ou plutôt ces expériences de pensée, au cours des années 1950 et 1960. Enfin, il introduit une perspective comparative, en étudiant la façon dont les scientifiques français et allemands ont réagi à ces propositions.

Notre projet contribue à l’histoire de la géo-ingénierie, et par conséquent aux débats actuels sur le changement climatique et les interventions possibles sur le climat terrestre. La géo-ingénierie, ou l’ingénierie climatique, est actuellement à l’ordre du jour politique et scientifique après avoir été taboue pour la communauté scientifique jusqu’en 2006, date à laquelle le spécialiste de l’atmosphère et lauréat du prix Nobel Paul Crutzen l’a réhabilitée. Notre projet revisite les années 1950 et 1960 de la guerre froide afin d’examiner les contextes politiques, scientifiques et culturels qui ont rendu possibles et acceptables ces conjectures sur l’ingénierie environnementale à grande échelle. En identifiant les forces qui ont façonné cette culture de la spéculation, notre projet apporte une réflexion historique sur la géo-ingénierie ainsi qu’un éclairage supplémentaire sur les débats actuels.

Liens

Publications :

France 2030