Symposium 2017
L’Immunothérapie : nouveaux développements dans la lutte contre le cancer
Vendredi 24 novembre 2017, 14:00-17:00
Amphithéâtre Cavaillès, Le Patio
22 rue René Descartes, Strasbourg (accès)
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Introduction
L’immunologie des tumeurs est devenue, depuis quelques années, l’approche la plus prometteuse dans la lutte contre le cancer : en effet, les cellules cancéreuses peuvent être ciblées et détruites grâce au système immunitaire du patient. Mais comment stimuler ce dernier afin qu’il détruise uniquement les cellules cancéreuses ? La sollicitation directe de certaines protéines appartenant au système immunitaire représente un facteur clé dans la mise en place de stratégies thérapeutiques efficaces contre le cancer.
Le symposium annuel 2017 de l'Institut d'études avancées de l'université de Strasbourg (USIAS) présente deux des principaux pionniers du domaine de l'immunothérapie contre le cancer, qui ont fondamentalement changé la façon dont le cancer et son traitement sont perçus.
Programme
Programme
14:00 | Mots d’ouverture par Michel Deneken, Président de l'université de Strasbourg |
14:05 | Présentation des Fellows USIAS 2017 par Thomas Ebbesen, Directeur de l’USIAS |
14:15 | Introduction par Jules Hoffmann, professeur de biologie intégrative, USIAS, IBMC, université de Strasbourg |
14:20 | Les réactions immunitaires anti-cancéreuses du microenvironnement tumoral, un guide pour des immunothérapies efficaces, par Wolf-Hervé Fridman, professeur d'immunologie, Centre de recherche des Cordeliers et université Paris Descartes |
15:10 | L’immunité innée, l'inflammation et le cancer : de la paillasse au chevet, par Alberto Mantovani, professeur de médecine expérimentale et physiopathologie, université Humanitas, Milan |
16:00 | Débat modéré par Jules Hoffmann |
16:30 | Réception |
Dépliant (pdf)
Affiche (pdf)
Conférenciers
Jules Hoffmann
Jules Hoffmann est professeur à l'Institut d'études avancées de l'université de Strasbourg (USIAS), professeur à l'université de Strasbourg et directeur de recherche émérite au CNRS. Il a consacré ses travaux à l'étude des mécanismes génétiques et moléculaires responsables de l'immunité innée chez les insectes. En démontrant la conservation marquée de mécanismes de défense innés entre les insectes et les humains, le travail initié par le professeur Hoffmann et ses collaborateurs a conduit à une réévaluation du rôle de l'immunité innée chez les mammifères. Plus généralement, le modèle de la drosophile a permis aux biologistes du monde entier de faire des progrès considérables, non seulement dans le développement de la génétique et de l'immunité innée, mais aussi dans l'étude de certaines pathologies humaines et dans la compréhension des phénomènes de la mémoire, du comportement, du sommeil et de la nutrition.
En 2011, Jules Hoffmann a reçu le prix Nobel de médecine, avec Bruce A. Beutler et Ralph M. Steinman.
Wolf-Hervé Fridman
Wolf Hervé Fridman est professeur émérite d’immunologie à l’université Paris Descartes. Ses recherches portent sur le rôle du système immunitaire dans le contrôle des tumeurs humaines et sur les fonctions biologiques des récepteurs d'anticorps IgG, à la fois par des approches fondamentales et translationnelles.
En 1969, il a publié avec François Kourilsky la première démonstration d’une réponse immunitaire du patient à son propre cancer dans la leucémie aiguë. Il s’est ensuite concentré sur l’analyse du microenvironnement tumoral. Ses publications avec Jérôme Galon et Franck Pagès ont modifié le paradigme des interactions hôte/cancer en démontrant que la « contexture immunitaire » est le principal facteur prognostique des cancers humains. Ces résultats fournissent une base pour le développement d'outils à base immunitaire pour le pronostic et la thérapie efficaces des cancers.
En 2007, le professeur Fridman était le créateur et le premier directeur du Centre de recherche des Cordeliers, Paris, un institut rassemblant plus de 400 chercheurs sous la tutelle conjointe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’université Pierre- et-Marie-Curie et de l’université Paris-Descartes.
Le professeur Fridman est le co-auteur de plus de 470 publications scientifiques originales dans des revues académiques de renom et il a reçu de nombreux prix et récompenses, dont le grand prix international William B. Coley Award (2010) du Cancer Research Institute avec Jérôme Galon et Ohtani Haruo, pour leurs travaux sur le rôle majeur de la réponse immunitaire, en particulier des lymphocytes T, dans la défense contre les cancers.
Alberto Mantovani
Alberto Mantovani est professeur de médecine expérimentale et de physiopathologie à l’université Humanitas de Milan (Italie). Il est né le 29 octobre 1948 à Milan, et y a obtenu son doctorat en médecine en 1973. Après s’être spécialisé en oncologie, il a travaillé au Chester Beatty Research Institute de Londres (1975-1976), aux États-Unis au sein des National Institutes of Health (1978, 1979 et 1985-1986), puis en tant que Directeur du département d’immunologie et de biologie cellulaire du Mario Negri Institute for Pharmacological Research de Milan (1996-2005). De 1994 à 2001, il a occupé le poste de professeur de pathologie générale à l’université de Brescia, et de 2001 à 2014 celui de professeur titulaire de pathologie générale à la faculté de médecine de l’université de Milan.
Depuis octobre 2005, il est Directeur scientifique de l’Institut clinique Humanitas et Président de la Fondation Humanitas pour la recherche. Depuis octobre 2014, il est professeur titulaire de pathologie générale à l’université Humanitas de Rozzano, Milan. Depuis août 2017, il occupe la Chaire d’inflammation et d’innovation thérapeutique au William Harvey Research Institute de la Queen Mary University of London.
Il s’intéresse depuis toujours aux mécanismes de la défense immunitaire, en particulier innée, et au cancer. Il a contribué au développement des connaissances dans ces domaines en formulant de nouveaux paradigmes et en identifiant de nouvelles molécules et fonctions.
Ses activités de recherche ont été reconnues par de nombreux prix internationaux dont, en 2016, le Triennial OECI Award de l’Organisation of the European Cancer Institutes et le prix Robert Koch. Il est Président de l’International Union of Immunological Societies. Il a été membre du conseil de la Global Alliance for Vaccines and Immunization (GAVI) de 2007 à 2010, ainsi que du conseil de diverses sociétés savantes nationales et internationales, dont l’International Cytokine Society, qu’il a présidée de 2009 à 2010. Il est également membre d’EMBO et de l’Accademia dei Lincei. Il est le chercheur italien le plus cité et l’un des immunologistes les plus cités au monde, ce qui illustre le vaste impact de sa contribution scientifique. En juillet 2017, il avait été cité plus de 95 380 fois dans Scopus, 68 900 fois dans Web of Science et 132 751 fois dans Google Scholar, avec un indice h de 148 (Scopus), 123 (Web of Science) et 174 (Google Scholar).
Sommaires
Les réactions immunitaires anti-cancéreuses du microenvironnement tumoral, un guide pour des immunothérapies efficaces
Par Wolf Hervé Fridman
Centre de recherche des Cordeliers et université Paris-Descartes
Les tumeurs se développent dans un microenvironnement complexe composé de cellules immunitaires, de fibroblastes, de cellules endothéliales et d'autres cellules non malignes. L'étude de la composition des microenvironnements tumoraux a conduit à des classifications à valeur pronostique et théranostique, ainsi qu'à des traitements immunomodulateurs.
La densité, la localisation et l'orientation fonctionnelle des lymphocytes infiltrant les tumeurs forment la contexture immunitaire dont la composition est positivement corrélée, dans la plupart des cas, à la survie des patients. Le cancer colorectal représente un paradigme pour l'immunologie tumorale, car c'est dans le cancer humain qu’a été démontré qu'une réponse immunitaire adaptative peut contrôler la croissance tumorale et les métastases. En effet, une forte infiltration de lymphocytes T Th1/cytotoxiques est associée à une maladie plus longue ou à une progression sans progression et/ou une survie globale à la fois dans les sites primaires et métastatiques. Une infiltration élevée par les cellules myéloïdes et les fibroblastes est généralement associée à un mauvais pronostic.
L'immunothérapie vise à substituer ou à activer les réactions immunitaires du patient à sa tumeur afin de contrôler la maladie à long terme. Elle a déjà révolutionné la prise en charge de plusieurs cancers majeurs et mortels tels que le cancer du poumon, le mélanome et les hémopathies malignes. L'arsenal des immunothérapies est varié, avec l'utilisation d'anticorps monoclonaux anti-tumoraux, de thérapies de cellules T et d'anticorps qui revigorent les réponses immunitaires anti-tumorales naturelles (anticorps « anti-check-point »). L'utilisation d'une immunothérapie donnée et de combinaisons thérapeutiques dépend du type d'interactions des cellules malignes avec leur microenvironnement. L'évaluation des microenvironnements tumoraux permet d’effectuer la sélection la plus appropriée de patients pour une approche immunothérapeutique, de dévoiler les mécanismes de résistance et d’apporter de nouvelles cibles thérapeutiques.
Dans le cancer colorectal, les classifications moléculaires et immunitaires ont confirmé que les tumeurs qui présentent des défauts dans les enzymes de réparation de l'ADN sont hautement mutées, et caractérisées par une contexture immunitaire favorable avec une infiltration Th1/cytotoxique élevée. Ces tumeurs sont sensibles à la thérapie avec des anticorps « anti-checkpoint ». Ces résultats ont conduit à la première approbation d'une thérapie immuno-oncologique basée sur un diagnostic moléculaire. D'autres sous-types de cancer colorectal présentent une infiltration immunitaire faible (« désert immunitaire ») ou, dans le pire des cas, une infiltration riche en lymphocytes T dans un contexte de réaction inflammatoire, angiogénique et desmoplastique majeure. Ces types de tumeurs nécessitent d’autres immunothérapies appropriées.
Ces analyses constituent la base d'une unification des classifications moléculaires et immunitaires des cancers humains, et je discuterai de la façon dont elles soutiennent des approches immunothérapeutiques ciblées qui pourraient bénéficier à des patients présentant différents cancers.
L'immunité innée, l'inflammation et le cancer : de la paillasse au chevet
Par Alberto Mantovani
Université Humanitas, Milan
Le microenvironnement tumoral est un réseau complexe composé aussi bien de facteurs solubles et de composants de la matrice extracellulaire que de cellules du stroma, endothéliales et immunitaires. Parmi ces cellules immunitaires, les cellules myéloïdes jouent un rôle important dans le développement du cancer en favorisant ou en inhibant la cancérogénèse et sa progression. Ainsi, les macrophages infiltrant la tumeur sont connus pour jouer un rôle critique dans l’inflammation liée au cancer.
La plasticité des macrophages leur permet d’acquérir un large spectre d’états d’activation en réponse à de nombreux signaux présents au sein de leur microenvironnement. Les macrophages classiques (M1) et alternatifs (M2) représentent le paradigme de cette propriété. Les macrophages associés aux tumeurs (TAM, tumor-associated macrophages) présentent généralement des caractéristiques proches des macrophages M2, et peuvent favoriser la progression du cancer de différentes manières, notamment en induisant des instabilités génétiques, l’angiogenèse et la formation de métastases, ainsi qu’en inhibant les capacités anti-tumorales de l’immunité adaptative. Les TAM peuvent également jouer un double rôle dans la réponse aux thérapies anticancéreuses conventionnelles. En effet, ils peuvent améliorer l’effet antinéoplasique, ou tout au contraire promouvoir une réponse favorisant le développement de la tumeur et ainsi déjouer le potentiel anticancéreux de la thérapie.
En raison de leur rôle dans le développement du cancer, de nombreuses approches anticancéreuses ciblant les macrophages sont en cours d’évaluation. Elles comprennent l’inhibition du recrutement des macrophages et/ou de leur survie au sein de la tumeur, la reprogrammation des TAM en un phénotype classique M1 aux capacités anti-tumorales, et la promotion de la phagocytose et/ou des capacités à éliminer les cellules cancéreuses. Les TAM peuvent finalement produire des protéines checkpoint capables de moduler l’activation des lymphocytes T, de telle sorte qu’ils peuvent être ciblés par immunothérapie. Ainsi, les macrophages sont impliqués dans la régulation de la réponse immunitaire innée et adaptative dans différentes situations inflammatoires incluant le cancer.