Université de Strasbourg

Séminaire Fellows - Quelle est la cause de la perte de poids dans la maladie de Charcot ?

Le 21 septembre 2021
De 15h30 à 17h00
Strasbourg (FR)

Un marquage du MCH sur une coupe d’hypothalamus de souris atteinte de SLA

Par Luc Dupuis, Fellow 2019

La sclérose latérale amyotrophique (SLA, également connue sous le nom de maladie de Lou Gehrig ou de Charcot) est une maladie neurodégénérative se déclarant à l’âge adulte, caractérisée par une paralysie progressive et une insuffisance respiratoire entraînant le décès dans les trois à cinq ans après l’apparition des symptômes.

La SLA est en partie héréditaire, et l’on dénombre actuellement plus de 30 gènes différents associés à la maladie.

Parmi les symptômes présentés par les personnes atteintes, la perte de poids survient assez tôt, généralement 10 à 15 ans avant l’apparition des troubles moteurs, et est corrélée négativement à la survie. De fait, l’augmentation de l’apport calorique, qui permet de ralentir la perte de poids, permet d’accroître l’espérance de vie chez les modèles murins et augmente la survie chez les patients atteints de SLA à évolution rapide. Cependant, le substrat neuroanatomique de la perte de poids dans la SLA demeure inconnu.

Notre projet USIAS explore l’hypothèse selon laquelle la perte de poids est engendrée par la dysfonction d’une petite région du cerveau nommée hypothalamus. L’hypothalamus est l’un des acteurs clés du contrôle du métabolisme énergétique, et nos recherches antérieures ont montré qu’il s’atrophie chez les personnes atteintes de SLA bien avant l’apparition des troubles moteurs. Nous avons identifié un type neuronal, les neurones à MCH (ou hormone de mélano-concentration), qui dégénèrent à la fois chez les modèles murins et les patients atteints de SLA, et démontré que l’injection intracérébroventriculaire de MCH limite la perte de poids. Étonnamment, les effets du MCH semblent dépendre largement du sexe, avec des souris femelles atteintes de SLA beaucoup plus sensibles aux effets du MCH, alors que les mâles, même s'ils montrent aussi une prise de poids après l’injection de MCH, restent largement résistants au recâblage neuronal induit par le neuropeptide. Afin de déterminer si ces effets dépendants du sexe sont pertinents chez l’homme, nous avons ré-analysé nos résultats cliniques antérieurs en tenant compte du sexe, et observé que les hommes porteurs d’une mutation associée à la SLA montraient une atrophie de l’hypothalamus avant le déclenchement des symptômes, mais pas les femmes. De manière frappante, la supplémentation nutritionnelle à teneur élevée en calories s’est révélée bien plus efficace chez les femmes atteintes de SLA que chez les patients de sexe masculin. Au final, nous montrons que la perte de poids est, au moins partiellement, liée à des modifications de l’hypothalamus qui diffèrent entre les hommes et les femmes. Ces résultats présentent des conséquences importantes en matière de stratégies nutritionnelles thérapeutiques dans le traitement de la SLA.

France 2030