Conférence grand public - Derrière, devant, et autour du miroir : la reconnaissance de soi chez les primates
Par James R. Anderson, université de Kyoto, Japon
L’usage quotidien d’un miroir pour contrôler notre apparence témoigne de notre capacité à nous reconnaître. Nous avons tous, par exemple, une ou plusieurs représentations mentales de notre propre apparence physique vue de la perspective d’autrui. Depuis longtemps, le miroir a été utilisé pour étudier cette capacité à se reconnaître chez d’autres espèces, notamment son développement, les facteurs qui l’influencent, et son éventuelle présence.
J’ai longtemps étudié la possibilité qu’au moins quelques espèces autres qu’humaines soient dotées d’une conscience de soi suffisamment élaborée pour comprendre que l’individu vu dans le miroir est, le plus souvent, « moi. » A plusieurs reprises, ces études ont montré que la plupart des “petits singes” comme les macaques, babouins, vervets ou encore capucins, présentent des réactions d’étonnement et de curiosité lors des premières confrontations avec leur propre reflet, mais surtout des réponses sociales, des mimiques faciales comme les claquements de lèvres, grimaces, menaces, sourcillements. Si le miroir est à portée, le singe peut regarder derrière pour mieux repérer ou même pour saisir cet étrange individu qui est là mais qui n’est pas là. Néanmoins, j’ai pu observer une chose surprenante : malgré l’absence de signes de reconnaissance de soi, des singes peuvent apprendre à suivre les mouvements de leurs mains dans le miroir afin de repérer et saisir une friandise non visible sans ce reflet.
Toutefois, la reconnaissance de soi suscite encore plus d'intérêt lorsqu’il s’agit des espèces évolutivement les plus proches de l’humain, les grands singes anthropoïdes. Devant un miroir, après quelques comportements “sociaux” dirigés vers leur reflet, les chimpanzés manifestent souvent des examens et contrôles de régions de leur propre corps normalement invisibles, effectués soigneusement à l’aide du miroir. Par exemple, ils regardent dans leur bouche, se curent les dents.
De tels comportements nous montrent que ces grands singes possèdent cette capacité de reconnaissance de soi, et ce phénomène est confirmé lorsqu’ils passent la fameuse “épreuve de la tache.” Au cours de cette conférence, je montrerai des exemples de comportements animaux en présence d’un miroir, et je discuterai des implications des différences en termes de conscience de soi aux niveaux psychologiques et évolutifs.
Cette conférence se déroulera en anglais.
Crédits photos : Pixabay, Andre Mouton (photo en haut) : James R. Anderson (photo en bas)